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Résistances et Libertés
12 avril 2021

Pédocriminalité : Le patriarche incestueux faisait des enfants pour leur imposer ses pulsions

 

 

Les agissements de Gilbert Cardoso, jugés ce lundi aux Assises de l'Hérault, ont pris fin en 2016, lorsque Sophie a révélé les abus sexuels subis depuis sa plus tendre enfance, au sein d'une cellule familiale complètement dysfonctionnelle. IStockLes agissements de Gilbert Cardoso, jugés ce lundi aux Assises de l'Hérault, ont pris fin en 2016, lorsque Sophie a révélé les abus sexuels subis depuis sa plus tendre enfance, au sein d'une cellule familiale complètement dysfonctionnelle. IStock 

C’est une inconcevable affaire d’inceste qu’examine à partir de ce lundi la cour d’assises de Montpellier (Hérault). Près d’un quart de siècle d’abus commis dans un étouffant huis clos familial, façonné et régenté par un patriarche tout-puissant, obsédé par la procréation d’enfants auxquels il imposait ses pulsions.

Gilbert Cardoso, 60 ans, est jugé pour des viols et agressions sexuelles commis sur sa fille, son beau-fils, sa belle-fille, deux des enfants qu’il a eus avec celle-ci et un voisin alors âgé d’un an. Un homme aux capacités intellectuelles limitées, selon les experts, qui a toutefois su déjouer la vigilance des services sociaux et de la justice en déménageant pas moins de douze fois dans cinq départements différents.

Une errance qui a pris fin le 24 novembre 2016 à Cazouls-lès-Béziers (Hérault), grâce à la rébellion de Sophie (Les prénoms ont été modifiés, les victimes étant mineures au moment des faits), sa fille âgée de 18 ans qui réussit ce jour-là à s’échapper après avoir été séquestrée et rouée de coups par Gilbert Cardoso. Prévenus, les gendarmes finiront par l’interpeller, courant dans un champ et hurlant aux militaires de lui tirer dessus. Une attitude de quasi-forcené : sur la route, il les avait appelés pour les menacer de se suicider en fonçant dans un camion.

Son père entre les mains des gendarmes, Sophie va alors révéler les abus sexuels subis depuis sa plus tendre enfance et décrire une cellule familiale complètement dysfonctionnelle, passée sous les radars depuis près de 25 ans.

Tyran domestique

Il faut traverser la France jusque dans les Vosges et remonter à l’année 1992 pour retrouver traces de ses fondations. Gilbert Cardoso a alors 31 ans lorsqu’il se met en ménage avec sa voisine de palier, Dominique Bertin, déjà mère de deux enfants. Fraîchement sorti de prison pour des faits d’attentat à la pudeur, Gilbert Cardoso ne tarde pas à s’en prendre à Julien, alors âgé de 14 ans. Bientôt, c’est Delphine, 8 ans, qui subit à son tour les assauts de son beau-père.

Très vite, il y a bien un signalement d’une tante maternelle à la police mais les deux enfants, manipulés par Gilbert Cardoso, se taisent. Dominique Bertin, quant à elle, encaisse les coups de son mari, devenu tyran domestique, et ferme les yeux sur le reste. De leur union va naître Sophie, en 1998. Mais le couple ne parvient pas avoir d’autre enfant…

Deux ans plus tard, Gilbert Cardoso décide donc de troquer la mère pour la fille, et se met en couple avec Delphine. Le jour même de ses 16 ans, racontera-t-elle, Gilbert Cardoso lui demande ainsi de « sortir avec lui » en la menaçant de dévoiler à son frère la nature de leurs relations… Honteuse, complètement sous emprise, celle-ci accepte et remplace donc Dominique Bertin, sa propre mère, dans le lit conjugal. Laquelle ne s’oppose pas plus et continue de vivre sous le même toit.

Sophie, quant à elle, doit soudainement appeler sa demi-sœur « maman » et sa mère « mamie »… Un brouillage complet des repères familiaux et un univers vicié dans lequel va grandir la fillette, coupée du monde extérieur. Les services sociaux s’inquiéteront bien du fait qu’à quatre ans et demi, elle n’est toujours pas scolarisée, mais l’affaire en restera là.

 

Les années passent, les déménagements aussi, et Delphine accouche de cinq enfants entre 2001 et 2014. Malgré leur absence totale de contraception - Gilbert Cardoso refuse de mettre un préservatif et considère que la pilule est destinée aux « salopes » - le couple finit malgré tout par connaître des difficultés à concevoir. Sur l’insistance de Gilbert Cardoso, plusieurs de ces naissances seront ainsi obtenues grâce à des fécondations in vitro (FIV).

Record à battre

Durant l’enquête, Delphine dira en réalité avoir fait plusieurs fausses couches en raison des violences de son époux, et son sentiment d’avoir été réduite à une « machine à faire des enfants » par Gilbert Cardoso, qui de son côté, revendique un « droit » à être père. Lui-même issu d’une fratrie de neuf enfants, il aurait ainsi répété à sa jeune épouse qu’il s’agissait pour lui d’un « record à battre » et entendait, au moment de son arrestation, procréer à nouveau.

Outre son obsession de la lignée, l’appétit sexuel du patriarche ne semblait pas non plus pouvoir être rassasié… Cible à son tour d’agressions sexuelles dans son enfance, Sophie affirme avoir été violée à trois reprises à l’âge de 17 ans, son père ayant introduit des somnifères dans son assiette au souper. Ce dernier poussera le vice, dira-t-elle, jusqu’à lui glisser qu’il l’avait possédée la veille « avec un sourire jusqu’aux oreilles ». Il la contraindra aussi à des actes sexuels contre la promesse de ne plus frapper sa mère, ou pour obtenir un téléphone portable. Et lui parlera même de concevoir un enfant avec elle…

C’est donc par crainte que Gilbert Cardoso ne s’en prenne, après elle, à ses demi-frères et sœurs (les enfants de Delphine) que Sophie décide, ce 24 novembre 2016, de mettre un terme à cette malédiction familiale. Alors qu’ils étaient placés depuis 2013 en raison de carences éducatives graves, de problèmes d’hygiène et d’absentéisme scolaire, Sophie craignait alors qu’ils ne reviennent sous le toit familial : Gilbert Cardoso leur avait en effet intimé de fuguer de leur famille d’accueil et de faire des tentatives de suicide pour convaincre le juge des enfants.

Sexualité « sans inhibition » et « sans limite »

Malgré le courage de Sophie, l’enquête révélera que son demi-frère et sa demi-sœur avaient effectivement subi des agressions sexuelles avant leur placement, en plus d’un voisin, filleul de Gilbert Cardoso, alors qu’il était encore bébé. Des faits que l’intéressé a nié en bloc, parlant de Sophie comme d’une « pourriture » et de l’affaire comme un complot. A peine a-t-il reconnu quelques violences sur Dominique Bertin, justifiées selon lui par le fait qu’elle exécutait mal les tâches ménagères.

Handicapé à 80 %, lui-même placé à l’âge de deux ans en raison de graves carences familiales et de suspicions d’inceste, Gilbert Cardoso a refusé de travailler jusqu’en 2012, se contentant de vivre des minima sociaux. Un homme atteint de « troubles psychopathiques » pratiquant une « sexualité sans inhibition » et « sans limite », ont relevé les experts psychologues.

« Ce qui frappe c’est cette façon chez lui d’assouvir ses désirs par tous moyens, cette fixation sur la procréation, passant d’une femme à une autre, tels des objets, en usant d’une emprise très forte, souligne Me Mikaël D’Alimonte, avocat des parties civiles. C’est une sorte de Joseph Fritzl français (NDLR : un Autrichien ayant séquestré sa fille dans sa cave durant 24 ans et avec qui il a eu sept enfants), à la différence que l’enfermement ici, est psychique. »

 

Delphine, détaille l’avocat, a ainsi longtemps été incapable d’expliquer si elle était consentante ou non aux rapports sexuels avec son beau-père. « Elle se positionne aujourd’hui pleinement comme victime et voit ce procès comme le point de départ de sa reconstruction », poursuit-il, regrettant des loupés de la justice dans cette affaire, qui « ont eu pour conséquence de voler l’enfance de tous ces gamins ».

Contacté, l’avocat de Gilbert Cardoso, qui encourt jusqu’à vingt ans de prison, n’a pas souhaité s’exprimer. Le verdict est prévu jeudi.

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