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Résistances et Libertés
29 mars 2021

Vente de téléphones cryptés à des trafiquants : des mises en examen aux quatre coins de la France

Quatre Français, soupçonnés d’avoir revendu des téléphones cryptés à des trafiquants, ont été placés en détention provisoire vendredi soir.

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L’application fonctionnait sur n’importe quel téléphone et permettait de passer des coups de fil en théorie intraçable. (Illustration) LP/Arnaud Journois

Il porte encore son blouson jaune fluorescent de cantonnier. Il découvre Paris. Ou plutôt son tribunal judiciaire, où il vient d'être mis en examen des chefs d'association de malfaiteurs, blanchiment aggravé et infractions à la législation sur la fourniture de moyens de cryptologie. « Je suis dépassé par les événements », bégaye-t-il dans le box, vendredi, vers 22 heures. Dans quelques minutes, le jeune homme sera placé en détention provisoire.

Ce Marseillais de 23 ans, interpellé en début de semaine alors qu'il partait au travail, fait partie des cinq hommes soupçonnés d'avoir revendu des téléphones cryptés Sky ECC, réputés inviolables, à des trafiquants en France. « Quatre d'entre eux ont été incarcérés, un cinquième a été placé sous contrôle judiciaire », nous précise ce samedi matin une source judiciaire. Ce coup de filet, qui a eu lieu également à Ermont (Val-d'Oise), Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) et en Corrèze, est sans doute le premier d'une série.

«Comme des talkies-walkies, mais longue distance»

Il y a deux semaines, le parquet de Paris avait annoncé qu'une enquête colossale était menée à la suite du décryptage de l'application Sky ECC par des policiers en 2020. Ce système, installé sur de banals téléphones, rendait impossible toute écoute judiciaire. « Cela fonctionnait comme des talkies-walkies, mais en longue distance », compare une source proche du dossier. D'après le procureur de Paris, le prix des abonnements était « très élevé, jusqu'à plus de 2 000 euros par ligne et pour six mois ». Pas de quoi décourager « les criminels de grande envergure » qui étaient « quasiment » les seuls utilisateurs de cette application.

C'est la raison pour laquelle, les autorités internationales ont sonné l'hallali dès que le système a été « cracké ». En Belgique, où se trouvait un quart des utilisateurs de Sky ECC, une opération d'une envergure inédite a donné lieu il y a deux semaines à 48 interpellations, 200 perquisitions, ainsi qu'à une saisie d'armes et de fonds.

Plus de 2000 utilisateurs en France

La France aurait compté, toujours d'après le procureur, 2 000 utilisateurs de ligne. « Du trafic de drogue, du trafic d'arme, des règlements de comptes », a énuméré, vendredi, le ministère public. Et de citer une affaire d'homicide dans l'est du pays. Les échanges téléphoniques entre malfrats ont pu être décryptés. « Toutes les conversations sont en cours d'analyse », a souligné le parquet. Combien d'affaires seront élucidées grâce au décryptage de cette application ? C'est la grande question. En tout cas, quatre juges spécialisés dans la lutte contre le crime organisé mènent les investigations avec plusieurs services de police judiciaire.

 

En matière de stratégie, contrairement à leurs homologues belges, les enquêteurs français n'auraient pour l'heure arrêté que des revendeurs de téléphones. C'est le cas de ce quadragénaire d'Ermont, « en grosse difficultés financières » avec son entreprise de transport, et qui aurait vendu, d'après l'accusation, 74 appareils. Son avocat Kamran Malik Ansar a souligné son casier judiciaire vierge et le bénéfice d'à peine « 200 euros » pour chaque vente. Le père de famille proposait même ses téléphones sur une page Internet. Incarcération.

«J'étais juste un commerçant»

Idem pour ce Serbe d'Aubervilliers soupçonné de la vente de 17 appareils. « J'étais juste un commerçant », s'est-il défendu, en vain. Pour son avocate, Caroline Roulin, il est impossible qu'il ait eu « connaissance de l'usage de ces téléphones ». Pour lui comme pour les autres, « cela ne pouvait être ignoré », a estimé le parquet, qui a également avancé le « risque de concertation » pour justifier les demandes de placement en détention provisoire.

Chez le cantonnier de Marseille, d'après l'accusation, les policiers auraient trouvé par ailleurs 2 kilos de cocaïne et 20 000 euros en liquide. Il aurait vendu 163 téléphones. « 50 d'après lui, rectifie son avocat, Samir Minne-Guerroudj. Et ce n'était pas chez lui que la drogue a été retrouvée. »

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