Suisse , Burka: quand une certaine gauche fait gagner l’UDC

L’appui de certains milieux féministes et musulmans, qu’on pensait marginal, a été décisif pour la courte victoire de l’initiative.

Une campagne qui s’achève par un oui grâce à une partie de la gauche qui a apporté l’appoint de voix nécessaires.

DR

Contrairement à la campagne sur les minarets, acceptée par 57,5% du peuple en novembre 2009, la campagne contre la dissimulation du visage a été moins virulente. En 2009, l’enjeu des initiants était clair: en interdisant les minarets, on allait empêcher l’islamisation de la Suisse. À titre préventif, les musulmans étaient prévenus qu’ils devaient se faire discrets. Cette fois, l’initiative est acceptée par un peu plus de 51% des voix et grâce à l’appui de certains milieux féministes.

Dix ans plus tard, la campagne a joué sur un registre plus sociétal. Le port d’habits imposé par la religion n’a pas la même portée symbolique dans l’espace public que les tours des mosquées. Le Comité d’Egerkingen, à l’origine de l’initiative, est venu sur le terrain de l’émancipation de la femme, où il a été rejoint par des voix à gauche, notamment en Suisse romande avec l’ex-conseillère aux États Géraldine Savary. Même si la crédibilité de ce comité ultra-conservateur sur ce point était plutôt faible, cet argument aura été le plus petit dénominateur commun. Par ailleurs, certaines personnalités musulmanes modérées en Suisse ont pris position en faveur de l’initiative, en réaction contre les fondamentalistes de leur propre religion. La Suisse compte quelque 500 000 musulmans et la très grande majorité d’entre eux ne soutiennent pas le port de la burka ou du niqab.

Un cercle hétéroclite de gens a donc soutenu cette initiative pour des raisons bien différentes qui font que, même dans le canton de Vaud, elle a été acceptée d’un cheveu. En revanche, elle a été refusée à Genève, dans les Grisons, Berne et Zurich, où la clientèle touristique des pays du Golfe a son importance. L’opposition s’est construite sur la liberté religieuse, le respect de la vie privée et sur le fait qu’interdire ces habits pour ces femmes n’allait pas les libérer du patriarcat. Au final, c’est tout de même un étrange résultat où une partie de la gauche a donné sa victoire aux UDC du comité d’Egerkingen. Sinon, il n’aurait pas réédité son coup des minarets.