Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Résistances et Libertés
4 décembre 2020

À Lyon, les prostituées réclament « un fonds d’urgence »

Le plus vieux métier du monde a été très fragilisé par les confinements, explique Cybèle Lespérance, référente régionale du Syndicat du travail sexuel (Strass).

title-1606920300

Pas de tolérance pendant le confinement : à Lyon, la police contrôle une camionnette de prostitution le 30 mai 2020. Un arrêté municipal de 2011 réglemente le stationnement de ce type de véhicule. Photo d’archives Progrès /Stéphane GUIOCHON
Durant le deuxième confinement, une prostituée lyonnaise a publiquement réclamé une aide de l’État. Une escort-girl a répondu qu’elle n’en voulait pas. Leurs situations sont très différentes ?

« Il y a une pluralité de situations. Les personnes ne sont pas toutes dans l’économie formelle. Je connais les deux personnes qui ont pris la parole. La dame qui ne veut pas d’aide a la possibilité de travailler chez elle à temps plein. C’est très différent de la situation de personnes plus fragiles, comme de femmes sans papiers. Nous avons vu des femmes être jetées à la rue dès le premier confinement. Il y a eu des conflits avec des propriétaires de logements. Il faut également compter avec la pression des voisins. Pensez aux difficultés rencontrées par des soignants, accusés de véhiculer le virus… Depuis des générations, nous sommes accusées d’être les vecteurs de maladies, la syphilis, le sida, etc. »

Des personnes jetées à la rue ? 

« Il y a eu des difficultés de paiement de loyer ou de chambre d’hôtel dès le premier confinement. Personnellement, je m’inscris dans le cadre de l’économie formelle. J’ai cessé de travailler pendant les confinements. J’ai été indemnisée par l’État à hauteur de 1 500 euros par mois, parce que j’ai un statut de micro-entrepreneuse. Nous n’avons jamais eu autant de demandes de régularisation qu’entre les deux confinements ! Mais nous réclamons un fonds d’urgence pour compenser la perte de revenu durant le confinement. Dans cette pandémie, ils sont profondément oubliés. Nous n’avons pas eu de réponse à cette demande. C’est un désengagement de l’État : il y a de l’argent, déjà fléché pour les travailleuses du sexe, qui est très peu utilisé. »

Il y a eu un mouvement de solidarité…

« Il y a eu beaucoup de solidarité. Avec nos partenaires, des associations de santé communautaires, nous avons créé une cagnotte d’urgence. Nous avons récolté 66 700 € pendant le premier confinement. Nous avons pu distribuer des aides directes, à raison de 40 € par semaine à des personnes en très grande difficulté. Mais nous avons été épuisés par ce premier confinement : nous avons perdu la moitié de notre force de bénévoles. »

Pratiquement, le travail sexuel restait-il possible dans les conditions du confinement ?

« Quand on travaille chez soi, on peut continuer à travailler. On parle de travail du sexe en indoor. Avec le confinement, on a diversifié les activités, avec OnlyFans par exemple. C’est du travail sexuel virtuel. On a des personnes qui produisent du contenu pornographique et le vendent en ligne. Tout est plus compliqué si on travaille dans la rue, dans une camionnette. Il y a eu pas mal d’amendes et pas de tolérance durant le premier confinement. À la fin, des blocs de béton ont même été déposés à Gerland, dans le 7e arrondissement. La vente de services sexuels n’est pas illégale, mais il y a des méthodes de repénalisation et Lyon a la réputation d’être une ville extrêmement répressive en France. Entre 2003 et 2014, sous le règne de Collomb, nous avons eu 8 arrêtés municipaux qui compliquent les choses. Il nous semble nécessaire de les faire abroger. Nous avons récemment obtenu l’annulation d’un arrêté municipal à Chassieu. Nous avons demandé un rendez-vous à Grégory Doucet, le nouveau maire de Lyon. »

Avec le déconfinement et le couvre-feu, les travailleuses du sexe peuvent-ils exercer à nouveau ?

« Ce n’est pas clair. À chaque fois, un décret vient après l’annonce. On l’attend et on demande à nos juristes ce qu’il en est. »

Quels conseils donnez-vous aux travailleurs sexuels pour éviter de contracter le Covid-19 ?

« Nous avons mis en place un protocole sanitaire, avec Médecins du monde. Il a été très suivi par les Chinoises de Belleville, à Paris. Elles ont réussi collectivement à imposer des pratiques. C’est très impressionnant pour moi, qui travaille comme escort, parce que nous sommes très isolées. »

Le port du masque est-il compatible avec votre activité ?

« Des personnes ont réussi à l’imposer. Pour des massages érotiques, elles connaissent leurs clients. Il a beaucoup de stratégies déployées en fonction des situations. Mais dès qu’il y a contact, le risque zéro n’existe plus. On parle surtout de prévention et de réduction des risques. »

À quoi sert le Strass ?

Créé en 2009, le Strass revendique plus de 550 adhérents en France. Il réclame notamment l’application du droit commun à tous les travailleurs du sexe (prostitués, acteurs de porno, etc.). Il dénonce par ailleurs les dispositions du Code pénal sanctionnant le proxénétisme, dispositions considérées comme contribuant à l’isolement des prostituées, et la pénalisation des clients. Par le biais de son site Internet et de permanences, le syndicat à vocation à informer les travailleurs et travailleuses du sexe sur leurs droits. Davantage de renseignements sur le site du Strass (https://strass-syndicat.org).

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Archives
Publicité