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Résistances et Libertés
30 novembre 2020

L'Islam, religion de paix et de tolérance : la pantalonnade de la référence au verset 5-32 du Coran

La réflexion menée par le Salon beige sur certains assassinats par des musulmans exaltés conduit à aller un pas plus loin à propos d’un argument d’autorité avancé systématiquement pour décrire l’islam comme une religion de paix et de tolérance : l’usage du verset 32 de la sourate [chapitre] 5 du Coran.

Tout d’abord, trois exemples de cet usage (plus ou moins fidèle) :

  • Une photo prise lors de la manifestation du 11 janvier 2015 quand nous étions paraît-il tous Charlie.

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  • Le début d’un article consacré à l’assassinat de Samuel Paty dans un des blogs hébergés par Mediapart.

  • Un extrait du texte proposé le 22 octobre 2020 par le Conseil français du culte musulman aux imams de France pour le prêche du vendredi ayant suivi l’assassinat de M.Paty :

« Assassiner un Homme en prétendant défendre la dignité du prophète est une profanation du message prophétique, un affront à notre foi et à notre religion et une trahison de tout ce qui est sacré.  Ne nous est-il pas rappelé dans le saint Coran, notre livre sacré, que « Quiconque tue un être humain non coupable de meurtre ou de sédition sur la Terre est considéré comme le meurtrier de l’humanité toute entière. Quiconque sauve la vie d’un seul être humain est considéré comme ayant sauvé la vie de l’humanité tout entière ! » (Coran, S.5-V.32) ».

Il est sûr que ce n’est pas la carte des pays subissant des persécutions religieuses dans le monde qui va aider à faire croire que ceux à majorité musulmane sont tolérants :

Il est sûr aussi qu’un petit rappel de la religion professée par tous les terroristes assassins en France, malgré les souhaits du site Islam et Lumières, ne va pas aider à éviter un amalgame assez facile :

Non, pour exciper de ce titre de religion de paix et de tolérance, il faut trouver autre chose, du solide. D’où ce verset 32 de la sourate 5. L’arme fatale….

L’arme fatale a deux formes raccourcies et vendeuses : « Celui qui tue un homme tue toute l’humanité » (comme sur la photo) ; ou bien « Quiconque sauve la vie d’un seul être humain est considéré comme ayant sauvé la vie de l’humanité tout entière ! ». C’est beau.

Avant d’étudier le verset en détail pour en apprécier le sens réel, faisons un petit détour par le christianisme et ce que l’Evangile nous donne comme référence d’un homme bon, sauvant un seul être humain : la parabole du bon samaritain (Luc 10.25-37) :

« Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho. Il tomba entre les mains de brigands qui le dépouillèrent, le rouèrent de coups et s’en allèrent en le laissant à moitié mort. Un prêtre qui, par hasard, descendait par le même chemin vit cet homme et passa à distance. De même aussi un Lévite arriva à cet endroit; il le vit et passa à distance. Mais un Samaritain qui voyageait arriva près de lui et fut rempli de compassion lorsqu’il le vit. Il s’approcha et banda ses plaies en y versant de l’huile et du vin; puis il le mit sur sa propre monture, le conduisit dans une auberge et prit soin de lui. Le lendemain, il sortit deux pièces d’argent, les donna à l’aubergiste et dit: ‘Prends soin de lui, et ce que tu dépenseras en plus, je te le rendrai à mon retour ».

Dans cette parabole, non seulement le samaritain porte secours à et sauve un juif qui lui est totalement étranger, mais en plus il est le représentant d’une religion que les juifs tiennent pour impie. Mais le samaritain regarde l’homme et non pas sa carte d’identité religieuse. Voilà pour l’arrière-plan judéo-chrétien.

Revenons à notre sourate et à notre verset 32 :

On aura remarqué que la citation faite par le CFCM élimine la première partie du verset (« C’est pourquoi Nous avons prescrit pour les Enfants d’Israël »), où le « Nous » est censé représenter Allah, parlant aux juifs. Ajoutons que certains exégètes pensent communément que ce verset n’est en fait que le décalque d’une règle du Talmud juif.

A partir de là, deux façons de comprendre à qui s’adresse la prescription : soit aux juifs seulement. Mais alors pourquoi les autorités musulmanes se glorifieraient-elles d’une prescription qui ne s’applique pas aux musulmans ? Soit à tout homme, ce qui lui donnerait cette allure universaliste sympathique au premier abord et justifiant d’un usage si fréquent.

Toujours est-il que, quelle que soit la bonne interprétation, le reste du verset est proprement stupéfiant.

Première énormité : La phrase « quiconque tuerait une personne non coupable d’un meurtre ou d’une corruption sur la terre, c’est comme s’il avait tué tous les hommes » couvre-t-elle tous les meurtres ? Non, pas du tout, deux catégories ne sont pas concernées. La première, les meurtriers. OK, on voit ce que c’est. La deuxième, les « coupable de corruption sur la terre ».  « Coupable d’une corruption sur la terre », ça veut dire quoi ?

Le début du verset qui suit, n°33, donne une première idée :

Les corrupteurs pourraient être associés à ceux qui « font la guerre contre Allah et son messager ». Le problème, c’est qu’on est vite classé dans cette catégorie comme le démontrent les quelques exemples ci-dessous :

De toutes façons, le verset 27 d’une autre sourate (la n°2), est encore plus explicite :

On comprend alors que les corrupteurs sont ceux qui ont rompu le pacte avec Allah, autrement dit les non-musulmans (le pacte primordial coranique, dans la pensée musulmane, étant celui par lequel tout homme naît par nature musulman). Et on comprend ainsi que, en utilisant astucieusement la phrase abrégée : « Celui qui tue un homme tue toute l’humanité », on enlève simplement la partie qui dit que ce n’est valable que si l’homme tué est musulman. Une paille.

Et la suite du verset est de la même farine : « Quiconque lui fait don de la vie, c’est comme s’il faisait don de la vie à tous les hommes »… à condition qu’il s’agisse d’un musulman (non coupable de meurtre).

Deuxième énormité : il faut préciser aussi les termes de l’alternative. Revenons à notre bon samaritain et à ceux qui l’ont précédé sur la route de Jérusalem à Jéricho : pour chacun d’entre eux, l’alternative était entre je passe sans faire attention, ou bien je m’occupe de mon prochain et lui sauve la vie. Dans ce verset 32, ce n’est pas du tout ça. Il s’agit là de choisir entre tuer quelqu’un et lui laisser la vie sauve. « Faire le don de la vie », ce n’est pas ici créer ni sauver : c’est juste décider de ne pas tuer.

Troisième énormité : c’est le verset 33 dont nous avons déjà évoqué la première partie, mais que nous citons maintenant entièrement :

C’est l’évocation des tourments qui sont promis aux fameux corrupteurs : mort, crucifixion,  amputations diverses. Rien que du fraternel, en quelque sorte…

La dernière énormité, peut-être la plus grande encore si l’on y réfléchit bien : le fait que ceux qui soutiennent que l’islam est une religion de paix et de tolérance trouvent judicieux de citer à cet effet un verset (dans une forme souvent expurgée et donc à ce moment-là entièrement mensongère) qui démontre en réalité que le choix n’est donné qu’entre tuer et ne pas tuer, que ce n’est pas bien de tuer quand il s’agit d’un musulman et que pour les autres ce n’est sans doute pas aussi grave, et que d’ailleurs (le verset suivant) les non-musulmans s’exposent aux pires châtiments ! Faut-il que le reste du Coran soit pire ?

Pour conclure et tant qu’on est dans la pantalonnade, citons ce petit extrait du fameux Document sur la fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune, signée en février 2019 par le Pape François et le grand imam d’Al-Azhar, Ahmad Al-Tayyeb :

« De même nous déclarons – fermement – que les religions n’incitent jamais à la guerre et ne sollicitent pas des sentiments de haine, d’hostilité, d’extrémisme, ni n’invitent à la violence ou à l’effusion de sang ».

Ce serait drôle si ce n’était pas si triste.

 

 

source

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